Un parfum de politesse.

Illustration une histoire de parfums et de politesse

Devenue un temps ringarde, la politesse redevient presque moderne : un acte de résistance dans un monde individualiste. Les yeux rivés à nos mobiles, un monde où l'on perd parfois le sens des choses, de ceux qui nous entourent - et nos sens, au sens littéral. 

Le mot "politesse" est né au XVIᵉ siècle. Il vient de l'italien politezza - "propreté- puis "raffinement, civilisation". Lui-même dérivé de polito, "lisse, polin propre" issu du latin politus : "lisse, brillant" puis "poli, instruit". Toute une généalogie qui dit bien que la politesse n'est pas qu'une affaire de règles, mais un travail subtil sur nos matières d'être au monde. (cf définition de l'Académie Française).

Roland Barthes écrivait : "la politesse est plus généreuse que la franchise, car elle signifie qu'on croit à l'intelligence de l'autre". James Ivory rappelait, en contrepoint : "la politesse des manières n'a jamais été la garantie d'une attitude respectueuse"Vertu ou masque social, elle reste une nécessité. À l'ère du chacun-pour-soi, la politesse devient résistance : résistance à l'égoïsme, à l'indifférence, au mépris et à la brutalité parfois des rapports humains.Le philosophe Alain définissait la politesse comme "l'art des signes" , "un hommage aux semblables". 

On pourrait presque parler de rituel social : un bonjour, un merci, une porte tenue. Des gestes minuscules, mais qui changent la texture de nos vies.  "Après vous" devrait être la plus belle définition de notre civilisation écrivait le philosophe Emmanuel Lévinas. Et comme le soulignait La Rochefoucauld, la politesse n'est pas seulement une convenance, elle est "une attention qui dépasse le simple respect de soi pour rejoindre celui des autres".

La politesse n’est pas universelle. Ce qui paraît naturel ici peut sembler incongru ailleurs. Au Tibet, tirer la langue est un signe traditionnel de respect. Au Japon, des chaussons spéciaux sont mis à disposition uniquement pour les toilettes — oublier de les chausser est une perçue comme une grande impolitesse. En Mongolie, lorsqu’on tend un objet, on soutient son bras de la main libre pour attester de la sincérité du geste. Autant de codes qui rappellent que la politesse est aussi un langage culturel. 

Une politesse envers soi-même. Savoir s'écouter, se donner le droit de ralentir, de souffler, de prendre soin de soi et de se faire du bien. Cultiver une douceur intérieure qui apaise et rend plus disponible aux autres. C'est une politesse intime, discrète envers soi-même essentielle. 

La politesse olfactive. Au Japon, une odeur de transpiration dans le métro est considéré comme une impolitesse flagrante. En Inde ou au Moyen-Orient, si l'odeur corporelle est plus tolérée, elle doit s'effacer dans les contextes formels. Certains aliments sont interdits dans les hôtels et lieux publics en raison de leur odeur entêtante : c'est le cas par exemple du Durian, un fruit répandu en Asie du Sud-Est adulé pour ses saveurs, redouté en raison de son odeur. Dans nos sociétés de confort, les toilettes sont un terrain discret mais révélateur de politesse : on attend à minima de chacun qu'il efface toute trace de son passage pour les suivants. 

Interviewée par Pauline Gallard (Gala, mars 2014), Jacques Dutronc se confiait sur le sujet des odeurs. "Pour moi, le parfum est une politesse. Je déteste les gens qui sentent mauvais, qui te parlent près quand ils ont mauvaise haleine. J'essaye de faire en sorte de respecter les gens en me parfumant, et j'ai tendance à m'asperger avant de sortir". 

Qui ne s'est jamais senti agressé(e) par un parfum ?

extrait article magazine Grazia le parfum appelle à la politesse

Dans le numéro 2 du magazine Grazia le journaliste Lionel Paillès épingle dans un article titré "le parfum appelle à la politesse" (photo) la quête d’intensité absolue qui domine la parfumerie depuis une décennie : des sillages saturés, persistants, sans nuance jusqu’à l’écœurement. Pour atteindre cette intensité olfactive et faire durer l'odeur sur la peau, les parfumeurs boosteraient - dixit le journaliste - les formules avec des molécules de synthèse boisées-ambrées (Amber Xtrem, Ambrocénide). A rebours de cette tendance, le journaliste rappelle que « ne pas chercher à laisser une trace, seulement un sillage : voilà le secret de la véritable élégance olfactive. » Une autre forme de politesse à cultiver. 

Serge Lutens expliquait à Isabelle Cerboneschi en 2019 qu'il avait créée ses eaux fraîches pour la peau - rééditées sous la collection "Eaux de politesse" -  avec l’idée  que la personne qui les porte ne s’impose pas. "Un parfum qui soit comme un tulle d'illusion. Ce sont des eaux pour être poli, être présent, mais avec moins d’affirmation, en restant à légère distance du sujet et des choses. C’est une recherche sur le parfum."

Les rituels parfumés Domaine Singulier s’inscrivent dans cette philosophie de parfums polis: conçus pour sublimer et purifier les lieux, neutraliser les odeurs incommodantes, apaiser et accueillir, sans jamais imposer leur présence. Une politesse envers les autres. Une attention envers soi. Et peut-être, au quotidien, une petite résistance douce dans un monde de brut.

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A lire sur le sujet : Grazia numéro 2 page 175 (parution 18 septembre 2025), Philosophie Magazine "la politesse est-elle une vertu?"- Café Philo.org "La politesse, toujours une valeur d'actualité" -